web Robert DEROME
Les sources iconographiques
des portraits fictifs du père jésuite Jacques Marquette


vers 1859-1925 — Marquette ? Ou un saint à identifier ? Sculpteur Anonyme

Photo : collaboration Jennifer Quinlan.

Nelson 2012 (p. 273 et 276-277) identifie cette sculpture à Marquette, mais son auteur demeure anonyme. Aucune inscription, sur la base, ne semble donner d'indication. Se pourrait-il qu'il puisse s'agir d'un autre saint personnage ?

La forme générale présente un savant contrapposto, tout à fait inhabituel pour une représentation de Marquette. La tête est fière, le regard scrute le lointain, la chevelure est abondante et la barbe bien fournie, formant une « tête d'expression » inusitée pour Marquette. Le grand drapé relève également de l'art classique. La croix, tenue à la main gauche, et le chapelet, à la ceinture, ne permettent pas d'identification iconographique plus précise. Par contre, ces symboles ont souvent été utilisés pour représenter Marquette ! (Voir Thèmes et motifs iconographiques.)

La main droite, partiellement brisée, pourrait-elle fournir un indice ? Le personnage aurait-il tenu quelque chose dans sa main ? Y aurait-il eu un indice iconographique à la base de la sculpture, en bas à droite, qui n'aurait pas traversé le temps ?

Depuis 2001, elle décore le Marquette Courtyard du Richard & Louise Scholl Student Center, de la Marquette High School à Michigan City, Indiana. (Voir youtube.)

L'historique de cette sculpture demeure nébuleux. Elle aurait orné la niche de façade du Marquette Hall, d'après cette photo des années 1920, ce qui lui confère la force de la tradition l'identifiant à Marquette. Cet immeuble a été construit, en 1914, en tant que « parish hall ». En 1925, il est converti en école par la Saint Mary's High School, puis intégré, en 1956, aux locaux qui sont devenus l'actuelle Marquette High School depuis 1968 (voir source et Google Maps). Ce qui permet de soulever quelques questions...

  1. La sculpture existait-elle avant la construction du Marquette Hall en 1914 ?
  2. A-t-elle été installée en 1914 par la paroisse ?
  3. Ou, a-t-elle été installée en 1925 par l'école ?

Informations et photos : source, ainsi que Nelson 2012 (p. 276-277).

L'ancienne St. Mary's Church (1859-1867) devint la première St. Mary's School de 1870 à 1886. Elle était située « southwest corner Washington and 4th St. ». Un nouvel édifice fut construit en 1886, situé « south east corner 10th (Boston) & Buffalo Sts » où, transformé, il existe toujours.

Ce personnage masculin sculpté, qui ornait le Marquette Hall dans les années 1920, pourrait-il provenir de cette ancienne église St. Mary ? Si oui, pourrait-il avoir joué le rôle de sculpture compagne de la Vierge Marie ? Donc, peut-être un saint Joseph ? Dans l'iconographie, il porte habituellement des lys. Et souvent, ces lys ont été brisés ainsi que la main qui les tenait...! Par contre, il faudrait alors expliquer la présence de la croix et du chapelet à sa ceinture...!?

Informations et photos : source.

Le syle général de cette sculpture rappelle la production de l'Institut catholique de Vaucouleurs (1860-1880), nommé ensuite l'Union artistique internationale (1881-1967) (source), ou bien de la Fonderie d'art du Val d'Osne. Leur influence a été largement répandue par des albums de statues religieuses publiés.

Le sculpteur québécois Louis Jobin possédait un tel album, aujourd'hui conservé au Musée McCord (Béland 1986, p. 61). Son atelier était installé à Sainte-Anne-de-Beaupré, un lieu de pèlerinage très couru, et Jobin y attirait une clientèle américaine (Béland 1986, p. 50). Par ailleurs, des artistes américains, tels que Lamprecht, ont travaillé au Québec. Les styles et les commandes traversaient les frontières. Il ne serait donc pas étonnant de retrouver ces influences aux États-Unis.

Nelson 2012 propose deux dates alternatives pour cette sculpture. D'abord, sous la petite image couleur à la p. 273 : « ca. 1917 ». Puis, à la p. 276 : « The statue has lost a couple of fingers over time, but considering it was built in the nineteenth century, and we are now into the twenty-first, Father Marquette looks no worse for the wear. » Plus troublant, elle ajoute, à la p. 277 : « There was another statue of Marquette, but it is a mystery still waiting to be fully unpacked. » Ce qui laisse supposer qu'il aurait pu se glisser une erreur d'identification dans la tradition orale...!?

Dans l'attente de recherches plus élaborées, plusieurs éléments permettent, d'ores et déjà, de jeter un doute sur l'identification de cette sculpture à Marquette et de se demander si elle ne pourrait pas représenter un saint non identifié ! Peut-être un saint Joseph ? À moins que le sculpteur, lui également non identifié, se soit servi d'un ou plusieurs modèles de saints, eux également non identifiés, pour représenter Marquette ? Quant à la date de fabrication, elle pourrait se situer n'importe où entre la construction de la première église St. Mary, en 1859, et l'occupation du Marquette Hall, en 1925, par la St. Mary's School. On devra donc chercher cette autre sculpture de Marquette qui pourrait, peut-être, aider à résouder ces énigmes... Toutefois, si cette statue représente bien Marquette, il y acquiert pratiquement le statut d'un saint !

Photo : source et pdf.

 

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