CONNAISSANCE DES VERBES FAMILIERS EN FRANCAIS QUÉBÉCOIS

CHEZ DES ÉTUDIANTS ASIATIQUES


Jean Chen Tsi Ming

Université du Québec à Montréal

1. Introduction

Dans la société québécoise comme dans toutes les sociétés du monde, il existe divers niveaux de langue dont l'un est le niveau dit familier. La langue familière est un langage parlé; utilisé dans les conversations quotidiennes entre des amis, des camarades de travail, dans la famille, entre des personnes s'exprimant intimement. Elle est une langue spontanée. Selon Donald Smith, professeur de français et ex-directeur du département d'études françaises à l'université Carlton, la langue familière est apprise naturellement dans la rue quand les individus sont en contact entre eux. Apprendre cette langue à l'école n'est donc pas nécessaire. Quoi qu'il en soit, elle ne peut pas être acquise à l'école étant donné que le français dit « international », langue plus soignée, est plutôt enseigné dans cette institution. La langue familière est une langue où l'emploi des expressions régionales et l'influence de la langue populaire sont fréquents.

La langue familière du Québec présente un problème pour les Québécois non francophones. Ménard et Connors-Pupier (1979) montrent que les étudiants anglophones se débrouillent très mal dans la société québécoise après avoir appris le français en immersion pendant plusieurs mois. Avec une personne s'exprimant dans un discours professoral, soigné, redondant et didactique, les étudiants parlent plus aisément. Par contre, ils comprennent difficilement une personne s'exprimant dans un français québécois de niveau familier et populaire. Cela a pour conséquence de limiter leur performance en dehors du milieu scolaire. La situation est la même pour les immigrants. Dès leur arrivée au Québec, la plupart des immigrants se retrouvent sur les bancs des classes d'accueil pour apprendre le français. Dans ces classes, une langue plus normative est enseignée. Les immigrants auront appris le français quand ils sortiront. Ils pourront s'exprimer mais auront de la difficulté à le faire étant donné qu'ils seront confrontés à un autre niveau de langue, qui ne sera pas celui qu'ils auront appris en classe. En effet, un écart entre le niveau familier et le niveau plus soigné est mis en évidence sous divers aspects, c'est-à-dire morpho-syntaxique, phonétique et surtout lexical. Les immigrants ont alors beaucoup de difficulté à s'intégrer dans la société québécoise parce que le niveau de langue dit familier leur est inconnu. Ainsi, l'enseignement du français langue seconde ne permet pas aux non francophones de maîtriser la langue parlée réellement au Québec (Corbett, 1990).

Cependant, la perception de la notion de langue familière n'est pas uniforme chez tout le monde. Même entre les dictionnaires et les utilisateurs, il n'y a pas nécessairement consensus. C'est le cas, par exemple, du dictionnaire québécois d'aujourd'hui tel qu'il ressort de l'analyse de Guillot sur les registres des mots de ce dictionnaire (Guillot, 1997). A partir des registres littéraire, neutre, familier, très familier et populaire-vulgaire, Guillot compare le registre indiqué dans le dictionnaire avec celui choisi par les locuteurs québécois francophones. Pour ce faire, elle a établi un test comportant 50 mots ou groupes de mots insérés dans des phrases, test qu'elle a fait passer à 150 personnes, dont des étudiants du collégial, des professeurs et des gens oeuvrant dans d'autres domaines que l'enseignement. Les 50 mots ou groupes de mots ayant diverses catégories lexicales et appartenant à différents registres ont été choisis selon des critères pré-établis en comparant le dictionnaire québécois d'aujourd'hui avec quatre autres dictionnaires. Les sujets devaient indiquer le registre de chacun des mots ou groupes de mots ayant été soulignés. Les résultats de Guillot montrent que le registre attribué dans le dictionnaire québécois d'aujourd'hui ne correspond pas toujours à celui qui est donné par les Québécois francophones, quelles que soient leurs catégories socio-professionnelles. L'étude de Guillot montre bien que la notion de niveau familier n'est pas perçue pareillement chez les Québécois francophones. Des dissensions se manifestent aussi sur les autres niveaux de langue.

En affirmant que la langue familière du Québec est méconnue des immigrants, ne sommes-nous pas allés trop loin ? Mais que savons-nous sur la question au-delà des lieux communs ? C'est dans le but d'avoir un aperçu de la connaissance de la langue familière par les immigrants dans un sous-domaine du lexique, les verbes, que cette recherche a été entreprise. La problématique est : est-ce que les étudiants immigrants d'origine asiatique connaissent les verbes familiers autant que les Québécois francophones les connaissent ? L'hypothèse postulée est que ces étudiants ne sont pas familiers avec les verbes, même s'ils résident au Québec depuis plusieurs années. L'objectif est de vérifier leurs connaissances.

2. Méthodologie

Les verbes familiers en français québécois ont été repérés en comparant le dictionnaire québécois d'aujourd'hui et le Petit Robert 1. La cinquantaine de verbes identifiés comme familiers dans le dictionnaire québécois d'aujourd'hui, non-répertoriés dans le Petit Robert 1, ont été insérés dans un test soumis à des Québécois francophones. Ce pré-test, présenté sous la forme d'un tableau (annexe 1), a servi à déterminer la fréquence des verbes les plus utilisés parles sujets. Il s'agissait pour eux de cocher une case : « souvent », « parfois », « jamais (même si le verbe leur est connu) » ou « jamais (parce que le verbe leur est inconnu) », indiquant la fréquence d'utilisation pour chacun des verbes. Les sujets, au nombre de 60, sont un groupe-cours et des professeurs du collège Ahuntsic, un groupe-cours de l'UQAM et des gens travaillant dans le domaine de la pâtisserie.

Pour bâtir le questionnaire, le choix des 25 verbes les plus utilisés par les Québécois francophones s'est fait de diverses façons. D'abord, tous les verbes où la majorité des sujets québécois a coché « jamais (inconnu) » ont été éliminés. Une dizaine a été dénombrée : désâmer, badrer, écourticher, farfiner ou fafiner, pinoucher, échiffer, saprer, pigrasser, effardocher et épivarder (annexe 2). Deuxièmement, les verbes « souvent » utilisés par l'unanimité des sujets ont été gardés. Ceux-ci sont pogner, s'enfarger, gosser, placoter, niaiser, achaler, maganer et cramper (annexe2). De plus, ceux pour lesquels le nombre de personnes ayant coché « souvent » se rapprochait de la majorité ont été conservés. Ceux-ci sont abrier, garrocher, chicoter, enligner et s'effoirer (annexe 2). Enfin, pour trouver le reste des 25 verbes, les nombres de sujets ayant répondu « souvent » et « parfois » ont été additionnés et les verbes ayant les résultats les plus élevés ont été sélectionnés. Ces verbes sont clencher, emboucaner, amancher, minoucher, s'évacher, mémérer, écrapoutir, taponner, courailler, gricher, patenter et s'atriquer (annexe 2).

Chacun des 25 verbes a été inséré à l'intérieur d'une phrase. En voici un exemple:

(1) Martin (s'est empêtré) ____________ dans son pantalon qui était trop long

A-s'est évaché B-s'est enfargé C-s'est minouché D-s'est garroché E-aucun d'entre eux

 

Parmi les choix proposés, les sujets devaient trouver le bon mot associé au mot ou groupe de mots entre parenthèses. Dans certaines phrases, celui-ci était en français québécois. Dans ce cas, les étudiants devaient faire le bon choix parmi les mots proposés en français dit « international ». Dans le cas contraire, quand le mot ou le groupe de mots entre parenthèses était en français plus soigné, les étudiants devaient trouver le bon mot en français québécois. Dans l'annexe 3, les phrases dont les choix étaient en français québécois sont marqués par un astérisque. Ainsi étaient amalgamés les deux sortes de verbes, c'est-à-dire ceux en français québécois et ceux en français dit « international ». Plusieurs raisons nous ont incité à choisir cette procédure.

Premièrement, parmi les verbes les plus utilisés par les sujets québécois francophones, certains verbes comme garrocher et achaler sont très employés. Nous supposons alors qu'ils devraient être connus des étudiants asiatiques. Ces verbes ont donc été insérés parmi les choix pour qu'une petite difficulté soit ajoutée, soit celle de trouver un mot en français québécois à partir d'un mot en français plus soigné. Comme les étudiants avaient le choix, ils n'auraient pa dû avoir de difficulté à trouver le bon mot s'ils le connaissaient vraiment. La deuxième raison est une question de commodité visuelle, c'est-à-dire que parmi les groupes de mots entre parenthèses, certains sont très longs. Nous ne voulions pas que les groupes de mots longs se retrouvent parmi les choix, étant donné que ceux-ci sont tous des mots ou des groupes de mots brefs. Enfin, il est plus intéressant de répondre à un questionnaire quand les verbes sont plus variés. Le questionnaire à choix de réponses (annexe 3) a été présenté à 50 étudiants immigrants d'origine asiatique de l'UQAM.

3. Résultats

Les résultats et leur analyse seront présentés en trois parties. D'abord, nous regarderons la connaissance des verbes par les étudiants. Ensuite, nous examinerons le niveau de connaissance des verbes chez les étudiants selon le nombre d'années de résidence au Québec. Finalement, nous ferons une comparaison entre la connaissance des verbes chez les étudiants asiatiques et l'utilisation des mêmes verbes chez les Québécois francophones.

3.1. Connaissance des verbes par les étudiants

 

Le graphique ci-dessous représente le nombre d'étudiants connaissant chacun des verbes. Ceux-ci sont classés par ordre de connaissance, c'est-à-dire du verbe le plus connu, situé en bas du graphique, jusqu'au moins connu, situé en haut du graphique. Dans ce graphique, les verbes ne sont pas divisés en sous-groupe. Ils ne forment qu'un seul grand groupe. Aucun des verbes n'est connu par 100% des étudiants. La connaissance de ces verbes s'échelonne entre 92% et 14%.

graphique 1

Les verbes ont été divisés en trois catégories : les verbes très connus, les verbes moyennement connus et les verbes moins connus. Ces catégories sont présentées aux figures 1, 2 et 3. Afin de déterminer le seuil de pourcentage de ces trois groupes, le pourcentage absolu, c'est-à-dire le 100%, a été séparé en trois blocs d'unités presque égaux. Comme chacun des verbes est connu par au moins 10% des étudiants, le pourcentage en dessous de 10 n'a pas été considéré. Voici donc les trois blocs d'unités : 39% et moins, 40%-69% et 70%-100%. Etant donné que la moyenne de la connaissance des verbes est de 59%, les verbes moyennement connus sont alors regroupés autour de ce pourcentage, dans le bloc 40%-69%. Les verbes très connus se situent dans le groupe 70%-100% et les verbes moins connus se situent dans le groupe 39% et moins.

figures 1

Première catégorie : verbes très connus

 

figures 2

Deuxième catégorie : verbes moyennement connus

 

figures 3

Troisième catégorie : verbes moins connus

Les verbes très connus (figure 1) varient entre 92% et 70%. Parmi les huit verbes, trois seulement sont connus par plus de 80% des étudiants asiatiques, dont placoter, le plus connu, qui atteint 92%. Les cinq autres verbes sont connus entre 70% et 78%. Les verbes pogner, taponner et maganer sont connus par 78% des étudiants. La deuxième catégorie des verbes représentant les verbes moyennement connus est la plus grande (figure 2). Ce groupe compte 13 verbes, dont la connaissance s'échelonne entre 68% et 40%. Six verbes sont connus par 60% à 69% des étudiants et quatre sont par 40% à 50%. Quatre verbes : gosser, clencher, gricher et s'atriquer sont moins connus par les étudiants asiatiques (figure 3). Leur connaissance varie entre 38% et 14%. Les trois premiers verbes sont connus par 30% à 38% des étudiants tandis que s'atriquer l'est par seulement 14%.

Les résultats (annexe 4)permettent de constater que certains verbes familiers en français québécois sont plus connus tandis que d'autres le sont moins par des étudiants immigrants d'origine asiatique. Le choix des réponses des sujets semble confirmer dans certains cas le degré de la connaissance d'un verbe donné. C'est le cas de cramper et placoter.

(2) Aujourd'hui, Jean-Louis (s'est déplacé d'un endroit à l'autre) _______________pour trouver son professeur.

A- a tataouiné B- a couraillé C- a placoté D- a griché E- aucun d'entre eux

Réponse: B- a couraillé

 

(3) Jean-Philippe peut passer des heures à (bavarder) ________________ avec son amie.

A- placoter B- niaiser C- courailler D- cramper E- aucun d'entre eux

Réponse: A- placoter

 

Les résultats montrent que ce sont des verbes très connus. Dans ces phrases, dont la réponse n'est pas placoter pour la première et cramper pour la deuxième, le fait que ces verbes font partie de la catégorie des verbes très connus semble être confirmé étant donné qu'ils n'ont pas été sélectionnés par un seul étudiant même s'ils font partie des choix de réponses. La même chose se passe pour les verbes n'étant pas très connus et faisant partie des choix de réponses. Ils ne sont pas sélectionnés ou le sont très peu, c'est-à-dire par moins de cinq étudiants. Par exemple, dans la première phrase mentionnée plus haut, où le bon mot est s'enfarger, le verbe s'évacher faisant partie des choix de réponses n'a pas été sélectionné. S'évacher est un verbe inconnu par 48% des sujets. Quand l'étudiant fait un mauvais choix, il sélectionne rarement un verbe qu'il ne connaît pas. Dans presque toutes les phrases, la plupart des étudiants ne connaissant pas le bon mot ont préféré choisir la réponse E (aucun d'entre eux) plutôt qu'un verbe. Les résultats montrent que le deuxième pourcentage le plus élévé se trouve presque toujours dans la réponse E. C'est le cas des verbes clencher et taponner, où respectivement, 32 et 10 étudiants ont sélectionné la réponse E. A l'opposé, des verbes, qu'ils soient de bonnes ou de mauvaises réponses, semblent avoir été choisis par ressemblance. Dans ces phrases :

(4) Martin (a abîmé) _______________ ses disques en les prêtant souvent à ses amis.

A- a chicoté B- a abrié C- a griché D- a magané E- aucun d'entre eux

 

(5) Le pont métallique (a griché) _______________ quand le camion a passé.

A- a cédé B- a grincé C- a craqué D- a tremblé E- aucun d'entre eux

 

(6) Marie (a écrasé) _______________ un insecte avec son livre.

A- a pogné B- a achalé C- a minouché D- a écrapouti E- aucun d'entre eux

 

abrier et gricher ont une ressemblance phonétique avec abîmer et grincer, et écrapoutir a une ressemblance graphique avec écraser. Les verbes écrapoutir et gricher, étant donné que leurs correspondants sont respectivement écraser et grincer, laissent penser qu'un nombre d'étudiants a trouvé le bon verbe sans le connaître. Cela laisse supposer que le pourcentage d'étudiants connaissant ces verbes est moindre que celui indiqué par les résultats. Par ailleurs, dans certains énoncés, tous les verbes sont sélectionnés presque également. Les choix semblent être faits d'après le contexte. Certains des étudiants n'étant pas familiers avec le verbe ont associé celui pouvant le mieux convenir au contexte de la phrase. Ce fait est illustré dans les phrases suivantes :

(7) (Enligne) _________ bien tes mots pour que le texte soit lisible.

A-corrige B-Aligne C-Souligne D-Ecris E-aucun d'entre eux

 

(8) L'idée de laisser les enfants seuls dans la classe (chicote) _______________ beaucoup le professeur.

A- réjouit B- ennuie C- déconcentre D- inquiète E- aucun d'entre eux

 

(9) Le pont métallique (a griché) _______________ quand le camion a passé.

A- a cédé B- a grincé C- a craqué D- a tremblé E- aucun d'entre eux

 

Dans la septième phrase dont le bon choix est aligner, 28% des sujets ont cru que enligner voulait dire écrire. Ecris bien tes mots pour que le texte soit lisible peut très bien se dire. Dans le huitième énoncé, où inquiéter correspond à chicoter, le verbe réjouir a été ignoré tandis que ennuyer et déconcentrer ont été sélectionnés par 18 étudiants. Dans la neuvième phrase, presque 50% des étudiants ont cru que gricher signifiait céder, craquer ou trembler. Ces verbes peuvent remplacer gricher sans que l'énoncé n'ait pas de sens.

3.2. Niveau de connaissance des verbes chez les étudiants VS nombre d'années de résidence au Québec

 

graphique 2

Le graphique montre que la moyenne du nombre de verbes connus par les étudiants asiatiques s'accroît selon le nombre d'années de résidence au Québec. Le groupe d'étudiants y résidant depuis 5 ans et moins connaît en moyenne 12 verbes. Les étudiants étant au Québec depuis 6 à 10 ans connaissent en moyenne 13 verbes. Ceux y habitant depuis 11 à 15 ans connaissent en moyenne 14 verbes. Les étudiants résidant au Québec depuis 16 à 20 ans en connaissent en moyenne 17 et ceux étant au Québec depuis plus de 20 ans connaissent en moyenne 18 verbes. Cela veut-il dire que les étudiants connaîtront tous les verbes à un moment donné ? Pourrait-il y avoir un plafonnement ? Dans l'éventualité où ils arriveraient à les connaître tous, ce ne serait pas nécessairement au même rythme. Certains étudiants les connaîtraient tôt tandis que d'autres les connaîtraient tard.

Par ailleurs, les résultats de l'enquête révèlent que les étudiants ne connaissent pas les mêmes verbes : un verbe donné connu par un étudiant peut être ignoré par un autre même si ces deux étudiants résident au Québec depuis le même nombre d'années. En effet, l'examen des résultats montre que cinq ans après l'arrivée des étudiants asiatiques, presque tous les verbes leur sont connus mais chacun des étudiants ne connaît pas nécessairement les mêmes. Les verbes les plus connus sont presque les mêmes chez tous les étudiants tandis que les verbes moyennement et moins connus diffèrent. Cela laisse supposer qu'un verbe n'est pas connu au même moment par chacun des étudiants. En d'autres termes, un verbe donné connu par un étudiant après trois ans de résidence au Québec peut être connu par un autre seulement après cinq ans de résidence au Québec. Trois verbes, s'atriquer, gricher et garrocher, commencent à être connus seulement cinq ans après l'arrivée des étudiants (annexe). Les étudiants asiatiques résidant au Québec depuis 5 ans et moins ne les connaissent pas. Il est surprenant que garrocher ne soit pas connu par ces étudiants étant donné qu'il ne fait même pas partie de la catégorie des verbes les moins connus. En général, une évolution dans le vocabulaire des verbes chez les étudiants immigrants asiatiques est constatée. Plus le nombre d'années de résidence au Québec augmente, plus des verbes familiers sont connus.

Ces variables, la variété de verbes connus et le délai d'apprentissage, peuvent être influencées par les deux facteurs suivants : le fait de parler français à l'extérieur des heures de cours et le fait d'avoir des amis québécois francophones. Les questions de l'enquête portant sur des variables socio-démographiques, comme par exemple le nombre d'amis québécois francophones, permettent de mettre en évidence les faits subséquents. En général, si l'étudiant parle seulement un peu le français à l'extérieur des heures de cours et s'il a peu d'amis québécois francophones, il est certain qu'il prendra plus de temps pour connaître les verbes que celui qui parle beaucoup français à l'extérieur des heures de cours et qui a beaucoup d'amis québécois francophones. Ces deux facteurs peuvent être liés. Il semble normal qu'un étudiant qui a beaucoup d'amis québécois francophones parle plus le français à l'extérieur des heures de cours. Le Québécois francophone l'aidera à connaître les verbes, à partir de la conversation. Donc, dépendamment de la personne avec qui il se tient, un étudiant asiatique ne connaît pas les mêmes verbes qu'un autre.

3.3. Comparaison de l'utilisation des verbes par les Québécois francophones et de la connaissance de ces mêmes verbes par des étudiants asiatiques

 

figure 4

 

Pour établir cette comparaison, la fréquence d'utilisation des verbes par les Québécois francophones est classée en fonction de celle de la connaissance des verbes par les étudiants asiatiques. Les verbes utilisés sont classés du plus utilisé au moins utilisé de la même façon que les verbes connus étant déjà hiérarchisés du plus connu au moins connu. Ces trois groupes sont donc présents : les verbes les plus utilisés, les verbes moyennement utilisés et les verbes les moins utilisés. Les résultats sont presque pareils. La majorité des verbes utilisés par les Québécois francophones étant dans un groupe donné, c'est-à-dire très utilisés, moyennement utilisés ou moins utilisés, ils font partie du même groupe dans les verbes connus. Les Québécois francophones et les étudiants asiatiques sont en accord pour dire que achaler et cramper sont respectivement les deuxième et troisième verbes les plus utilisés et les plus connus. Une concordance est également présente pour gricher, clencher et s'atriquer. Ces verbes font partie de la catégorie des verbes les moins utilisés et les moins connus. Écrapoutir, verbe très connu par les étudiants asiatiques, est un verbe moyennement utilisé par les Québécois francophones. Il devrait plutôt être classé dans la catégorie des verbes moyennement connus. Les résultats laissent supposer que parmi les étudiants ayant bien répondu à la phrase nécessitant ce verbe, certains ne connaissent pas réellement celui-ci. Comme il a été mentionné un peu plus haut, ce verbe semble avoir été associé par ressemblance, c'est-à-dire écraser avec écrapoutir. Tout cela signifie que plus un verbe est utilisé par un Québécois francophone, plus ce verbe est connu par un étudiant asiatique. Et à l'inverse, moins un verbe est utilisé par un Québécois francophone, moins ce verbe est connu par un étudiant asiatique. Cette analyse laisse supposer que les étudiants asiatiques connaissent des verbes familiers en français québécois seulement quand les Québécois francophones les utilisent.

4. Conclusion

En conclusion, contrairement à notre hypothèse, les résultats ont dévoilé que le niveau de connaissance des verbes familiers chez les étudiants asiatiques est relativement bon, mais varie en fonction de leur nombre d'années de résidence au Québec. Le nombre et le type de verbes que les étudiants connaissent varient aussi en fonction de facteurs différents tels le fait de parler français à l'extérieur des heures de cours et le fait d'avoir des amis québécois francophones. La connaissance des verbes familiers chez les étudiants asiatiques est aussi influencée par l'utilisation des mêmes verbes chez les Québécois francophones. Cette étude sur la connaissance des mots familiers québécois par les étudiants asiatiques s'est seulement limitée à un aspect du lexique. D'autres recherches pourraient alors encore être menées. L'étude montre qu'il n'est pas prudent de s'en tenir aux opinions subjectives sur la langue des communautés non francophones. La langue familière québécoise n'est pas nécessairement un frein à une meilleure intégration au Québec des étudiants immigrants asiatiques et des immigrants en général.

Références

CORBETT N. (1990) Langue et identité. Le français et les francophones d'Amérique du Nord, Québec, Les Presses de l'Université Laval.

DQA=BOULANGER J.C. & REY A. (1993) Dictionnaire québécois d'aujourd'hui, Montréal : Dicorobert.

GUILLOT M.-C. (1997) Le registre des mots dans le dictionnaire québécois d'aujourd'hui, Mémoire présenté comme exigence partielle de la maîtrise en linguistique, Université du Québec à Montréal.

LPR1=REY A. & REY-DEBOVE J. (1994) Le petit Robert 1, Paris : Le Robert.

MENARD N. & CONNORS-PUPIER K. (1979) « Recherches sur la compréhension du français québécois par les élèves anglophones », Français dans le monde 19, p. 100-104.

 

ANNEXE 1

Pré-test : usage des verbes

Verbes Souvent Parfois Jamais (connu) Jamais (inconnu)

pogner

rempirer

tapocher

clencher

désâmer

abrier

badrer

écourticher

enfarger

farfiner (fafiner)

enfirouaper

pinoucher

gosser

emboucaner

commérer

amancher

repogner

dérhumer

tataouiner

garrocher

minoucher

placoter

raboudiner

niaiser

chicoter

ramancher

échiffer

seiner

évacher

retontir

mémérer

enligner

achaler

écrapoutir

saprer

pigrasser

pleumer

renipper

effardocher

fouter

taponner

maganer

courailler

effoirer

gricher

cramper

désabrier

patenter

épivarder

attriquer

rabrier

ANNEXE 2

 

Pré-test : usage des verbes

 

Verbes Souvent Parfois Jamais (connu) Jamais (inconnu)

pogner 34 24 2 ---

rempirer 3 22 31 4

tapocher 2 30 24 4

clencher 17 28 14 1

désâmer 4 3 15 38

abrier 28 18 9 5

badrer 1 10 14 36

écourticher --- 5 17 36

enfarger 33 24 --- 3

farfiner (fafiner) -- 4 18 35

enfirouaper 2 16 33 9

pinoucher 2 1 20 35

gosser 33 21 6 ---

emboucaner 13 27 16 4

commérer 15 16 23 6

amancher 24 21 12 3

repogner 11 21 23 5

dérhumer 2 6 26 26

tataouiner 2 17 30 11

garrocher 29 30 1 ---

minoucher 20 26 11 3

placoter 36 21 3 ---

raboudiner 2 15 23 20

niaiser 55 4 1 ---

chicoter 28 16 14 2

ramancher 7 16 23 14

échiffer 1 5 14 39

seiner 12 20 14 15

évacher 22 31 6 1

retontir 8 27 19 6

mémérer 18 27 13 2

enligner 27 24 8 1

achaler 44 13 2 1

écrapoutir 8 30 20 1

saprer --- 7 19 34

pigrasser --- 6 7 46

pleumer 11 20 19 10

renipper 4 19 19 18

effardocher --- 1 7 52

fouter 20 16 11 13

taponner 11 37 11 1

maganer 36 23 1 ---

courailler 25 31 2 2

effoirer 28 29 3 ---

gricher 13 28 12 7

cramper 37 18 5 ---

désabrier 15 17 16 12

patenter 22 29 8 1

épivarder --- 12 13 35

attriquer 7 30 20 6

rabrier 12 21 16 11

ANNEXE 3

 

Questionnaire

 

Choississez le bon mot qui veut dire la même chose que celui qui est entre parenthèses:

 

1-Cette jeune femme (s'est habillée de manière ridicule) _______________ pour aller au bal.*

A- s'est évachée B- s'est atriquée C- s'est enfargée D- s'est garrochée

E- aucun d'entre eux

 

2-L'incendie de la forêt est en train d'(enfumer (remplir de fumée)) _______________ toute la ville.*

A- emboucaner B- abrier C- achaler D- enligner E- aucun d'entre eux

 

3-(Enligne) _______________ bien tes mots pour que le texte soit lisible.

A- Corrige B- Aligne C- Souligne D- Ecris E- aucun d'entre eux

 

4-Durant toute la journée, Marie (a perdu son temps) _______________ à la maison. Elle n'a rien fait.*

A- a minouché B- a enfirouapé C- a niaisé D- a patenté E-aucun d'entre eux

 

5-Depuis quelques heures, François (s'évache) _______________ devant la télévision.

A- s'endort B- se drogue C- mange D- paresse E- aucun d'entre eux

 

6-Aujourd'hui, Jean-Louis (s'est déplacé d'un endroit à l'autre) ______________ pour trouver son professeur.*

A- a tataouiné B- a couraillé C- a placoté D- a griché E- aucun d'entre eux

 

7-Marie (a écrasé) ______________ un insecte avec son livre.*

A- a pogné B- a achalé C- a minouché D- a écrapouti E- aucun d'entre eux

 

8-En rentrant à la maison, Michel (s'est étendu) _______________ sur son lit.*

A- s'est enfargé B- s'est garroché C- s'est effoiré D- s'est enfirouapé

E-aucun d'entre eux

 

9-Mme Tremblay (a recouvert) _______________ son nouveau-né avec une couverture en laine.*

A- a patenté B- a couraillé C- a abrié D- a enligné E- aucun d'entre eux

 

10-Elise aime beaucoup (minoucher) _______________ sa petite fille.

A- moucher B- caresser C- recouvrir D- maquiller E- aucun d'entre eux

 

11-Jean-Philippe peut passer des heures à (bavarder) _______________ avec son amie.*

A- placoter B- niaiser C- courailler D- cramper E- aucun d'entre eux

 

12-La qualité de vie de ce quartier est reflétée sur la tenue vestimentaire de la population: les gens (sont mal habillés) ________________.*

A- sont mal effoirés B- sont mal amanchés C- sont mal taponnés

D- sont mal enlignés E- aucun d'entre eux

 

13-L'idée de laisser les enfants seuls dans la classe (chicote) _______________ beaucoup le professeur.

A- réjouit B- ennuie C- déconcentre D- inquiète E- aucun d'entre eux

 

14-Nicole est allée (mémérer sur le fait) _______________ que le professeur de géographie est alcoolique.

A- mont