LES TENDANCES MORPHOLOGIQUES

DANS LA FORMATION DES GENTILÉS QUÉBECOIS

Arnaud Gagneux

Robert Kapitan

1. Introduction

Notre recherche se situe dans le domaine de la néologie statique. La problématique envisagée porte sur la création des mots nouveaux développés au Québec. Un essor dynamique de la créativité lexicale paraît correspondre à des besoins bien identifiés. Ceux-ci permettent de protéger et d'enrichir le patrimoine linguistique de la communauté québécoise. Nous nous posons alors les questions suivantes :

  1. Comment se créent les néologismes au Québec ?
  2. Existe-il des formes de néologismes plus récurrentes que d'autres ?
  3. Comment créons-nous les mots nouveaux ? Quelles sont les règles ou lois morphologiques auxquelles ils obéissent?

Selon le guide de la néologie de Diki-Kidiri (1981), il existe trois types de néologismes. Ceux-ci se basent sur le sens, sur l'emprunt et sur la forme. Le néologisme de sens est créé par l'adoption d'un sens nouveau pour une forme ancienne (ex : sommet de la francophonie) L'emprunt est une transformation de langue étrangère (ex : cédérom), tandis que le néologisme de forme est une création soit par la combinaison de mots ou bien par la construction d'un syntagme à partir de mots connus (ex : courriel, Granbyen). Nous nous pencherons sur le néologisme de forme car il offre une grande variété et par le fait même, il représente un large champ d'étude morphologique.

À travers cette étude morphologique, nous mettrons en valeur les principes de base dans la construction morphologique. Parmi ces principes, l'économie semble jouer un rôle important et permet ainsi de raccourcir et simplifier les mots étudiés. Selon la théorie de Marielle Hébert (1991) (1), la création lexicale n'est qu'une forme de recyclage de mots dans un paradigme donné. Ces innovations dans les paradigmes obéissent à des règles générales qui ne reflètent pas toujours l'usage courant. Nous tenterons alors de relever les règles sous-jacentes auxquelles obéissent les néologismes de forme en général. Ceci nous permettra d'aboutir avec une théorie de formation lexicale basée sur des tendances relevées du corpus.

1.1 Objectifs généraux

Depuis le début de la recherche, nous nous intéressons donc à la construction des mots nouveaux, les néologismes. Nous tentons de savoir s'il existe des formes de constructions néologiques plus récurrentes que d'autres dans le français québécois.

Afin d'établir un corpus, nous avons choisi de nous pencher sur les innovations langagières dans le domaine de la toponymie du Québec. Les gentilés ou ethnonymes, noms ou adjectifs ethniques, représentent, selon nous, une certaine innovation dans le domaine de la morphologie de la langue française orale et spontanée. Contrairement à d'autres formes de langage (technique, technologique, familier), le langage toponymique est un phénomène d'intérêt social et qui n'est étranger à personne, tout le monde y porte un certain intérêt. La morphologie du gentilé (ex : Lavalois) dérivant du mot toponyme souche (ex : Laval), est l'objet de notre étude. Nous avons cru bon de choisir la toponymie car elle relève de la création lexicale fonctionnelle et innovatrice. Ainsi que le signale Jean-Yves Dugas (1987) (2) dans l'introduction de son répertoire  :

" Avec le nom, on touche à la construction même de l'identité (...), chaque identité d'un être est construite par rapport à son nom. C'est le moi unique. L'attribution d'un nom marque une prise en charge, une véritable appropriation car nommer quelque chose, c'est se l'approprier et le faire sien. "

1.2 Objectifs spécifiques

Nos objectifs consistent à examiner et répertorier les gentilés de façon quantitative afin d'être apte à relever les tendances générales, établir une hypothèse sur la formation morphologique des ethnonymes au Québec, examiner et répertorier les tendances de façon qualitative et démontrer ainsi les tendances générales (établir des corrélations avec les tendances de l'analyse quantitative).

2. Recherche

La néologie, la morphologie et la toponymie : Le Guide de la néologie de Diki-Kidiri (1981) nous a permis de définir précisément ce que nous cherchions à savoir sur le domaine. Le recyclage des mots en français moderne de Marielle Hébert (1991) c'est une étude sur la morphologie des mots nouveaux qui nous a aidés dans le cadre théorique. Le Répertoire des gentilés québécois de Jean-Yves Dugas (1987), contenant la liste complète de toutes les municipalités, régions, villes du Québec et leurs gentilés attestés ou non, était notre base de données. Dans le répertoire, l'auteur a analysé la distribution des suffixes québécois en la comparant avec celle de la France. Si l'analyse de suffixation dans ce répertoire est exhaustive, l'analyse de formation n'est qu'une proposition basée sur des faits historiques, ethnologiques et linguistiques. Il y a 19 propositions dans le répertoire. Par exemple, l'auteur propose que le premier élément qui représente dans toponyme un accident naturel ( baie, cap, lac, chute, mont, etc.), est en général conservé lors de la formation du gentilé car il représente un aspect spécifique essentiel. En réalité, nous retrouvons les formes suivantes dans le répertoire :

1. Pour Lac-Drolet = Droletois au lieu de Lac-Droletois.

2. Pour Lac-Deloge = Delagois au lieu de Lac-Delogeois.

Il est de même pour les articles (le, la, l'), les hagiotoponymes (noms de saints classés à partir de l'initiale du second élément) les particules anthroponymiques (les noms de personnes) et les appellations religieuses (Saint, Notre-dame), etc.

1. Pour La Pérade = Péradien au lieu de LaPéradien.

2. Pour Saint-Charles = Charlois au lieu de Saint-Charlois.

3. Pour Sainte-Rose = Rosien au lieu de Sainte-Rosien.

Cette incohérence entre les propositions du répertoire et la réalité du langage spontané nous amène à dire que c'est l'usage commun qui détermine le type de formation plus que des règles préétablies. Ceci nous permet de formuler l'hypothèse suivante :

Les règles proposées dans le répertoire ne représentent pas clairement la créativité lexicale du langage spontané. Celui-ci est marqué par les formes morphologiques plus récurrentes que d'autres telles que la dérivation simple et la troncation simple. Il nous semble que les notions de l'économie et de la simplification dans la langue en sont la cause.

Nous voulons donc, dans notre recherche, démontrer et supporter statistiquement les tendances purement morphologiques dans la formation des gentilés, et ainsi offrir des règles morphologiques reflétant plus l'usage commun.

3. Méthodologie

Choix du corpus : le répertoire des gentilés du Québec de Jean-Yves Dugas contient plus de 1500 toponymes québécois. Chaque toponyme québécois ayant donné naissance à un gentilé figure en entrée et est précédé de son numéro d'ordre. Les formes officielles sont toutes classées par ordre alphabétique. Aucun des gentilés qui y figure n'est créé de toute pièce par l'auteur ou la commission. Le répertoire présente l'existence des variantes gentiléennes qui témoigne de la richesse créative, des tâtonnements, des hésitations, des préférences qui mènent à l'adoption d'une forme par l'usage populaire.

Ex : Granby = Granbyen, mais aussi Granbéen, Granbygeois ou Grandbien.

Kamouraska = Kamouraskois, mais aussi Kamouracien, Kamouraskaien ou Kamouraskien.

Choix des mots : Mis à part les exceptions qui figurent ci dessous, nous avons inclu presque tous les mots qui nous semblaient déterminants pour l'étude du lexique toponymique. Nous avons tenu compte de toutes les formes attestées et approuvées par la municipalité ainsi que les mots récurrents provenant de diverses sources. Les variantes, quant à elles, ne figurent pas dans notre corpus car elles ne reflètent pas l'usage commun.

3.1. Exceptions

Nous n'avons pas tenu compte du mot si :

A) Il contenait une suffixation anglaise ou indienne (-ian, -er, -ikuk).

Akulivik : Akulivimmiuq, Akwesasne : Akwesashronon, Arvida : Arvidian, Arundel :

Arundelite, Aupaluk : Auppalummiuq, Beaconsfield : Beaconsfielder, Bishopton : Bishptoner, Bolton-Est : East Boltoner.

B) Ce sont des gentilés qui se répètent ( c'est-à-dire pour deux toponymes identiques on a deux gentilés identiques).

Charlevoix = Charlevoisien; Compton = Comptonnois; Disraeli = Disraelois.

C) Les gentilés sont ex-nihilo ou inexplicables morphologiquement .

Longue-Pointe = Paspaya ; Rivière-Bell = Nadowesipiwini;

3.2 Les différents types de formation morphologique

Ces formes sont toutes des créations de nouvelles unités lexicales auxquelles on ajoute un suffixe. C'est à l'intérieur de ces nouvelles formes que l'on retrouve les types de formation suivantes : la troncation simple et la troncation allomorphique, la composition et la permutation.

Type de formation

Formule

Exemple

A. Dérivation simple

N(x) + Aff.(y) = A(y)

Laval = Laval+ois

B. Dérivation allomorphique

N(x) devient N'(x)

N'(x) + Aff.(y) = A(y)

Anjou = Angev+in

C. Troncation simple

Na (x) + Aff.(y) = A(y); a=o

Lac-Saint-Jean = Jeann+ois

D. Troncation avec permutation

ZNa(x) devient NZa(x) NZa(x)+Aff.(y)=A(y); a=0

SainteAnne-de-la-Pointe-Au-Père = Père+point+ois

E. Troncation allomorphique

Na(x) = N'(x); a=0 N'(x)+ Aff.(y) = A(y)

St-Denis-Sur-Richelieu = Dionys+ien

F. Composition

NZ(x) + Aff.(y) = A(y)

Cap-Rouge = Carouge+ois

Légende : N = Nom; A = Adjectif; Aff. = Affixe; (x),(y) = Trait de sous- catégorisaton; Z = Autre composant de la base; N' = Base modifiée; a = Mot(s) ou morphème(s) tronqué(s);

C'est à l'aide de ces six compositions que nous avons construit notre corpus sous forme de tableau.

    1. Exemple du tableau

Voir (ANNEXE 1) (il faut attendre cinq minutes pour la conversion)

Type de formation

Variantes

(combien ?)

Toponyme souche

Forme attestée ?

Suffixation

A

1

Terrebonne

OUI

IEN

 

4. Description et analyse des résultats

Dans notre recherche, nous avons analysé 950 gentilés selon six types de formation. Les données statistiques (voir les figures (1) et (2)) montrent la répartition de types de formation :

A. Dérivation simple - 321 cas (33,93 %).

B. Dérivation allomorphique - 17 cas (1,80 %).

C. Troncation simple - 451 cas (47,67 %).

D. Troncation avec la permutation - 25 cas (2,64 %).

E. Troncation allomorphique - 28 cas (2,96 %).

F. Composition - 104 cas (11 %).

Il est clair que la dérivation simple prime sur les autres types de formation car une bonne partie des toponymes souches ne possèdent qu'un seul composant. Les 34% des gentilés sont des constructions simples car les toponymes souches auxquels ils appartiennent le sont également. Il en est autrement des cas de troncation simple auxquels il faut rajouter d'autres formes de troncation si de façon générale, ce type de formation reflète le mécanisme de simplification dans la construction morphologique.

Les trois types de troncation (simple, avec permutation, allomorphique) constituent ensemble 53,27 % du corpus. Si la troncation est si couramment utilisée, c'est avant tout pour un souci d'économie, mais aussi pour un besoin de simplification. Les locuteurs choisissent la forme la plus courte et la plus malléable.

En ce qui a trait aux cas de permutation et ceux d'allomorphie qui constituent ensemble 5,6 % de l'ensemble du corpus, ils obéissent à des règles bien particulières et ne font que très rarement appel aux règles de simplification et d'économie.

Dans un sens général, il faut traiter les cas de dérivation simple et de troncation simple comme des modèles de la loi morphologique de simplification. Tandis que les cas de permutation, d'allomorphie et de composition entrent en conflit avec notre hypothèse établie. En résumé, nous constatons que notre corpus contient 81,6 % de formations simples versus 18,4 % de formations complexes.

La composition constitue à elle seule 11 % de l'ensemble des types de formation que nous avons dans le corpus. Dans la plupart des cas, la composition est présente lorsque le toponyme souche n'a que deux composants, par exemple : Saint-Paulin, Mont-Joli, Rapide-Danseur (il n'y a que 8 exemples sur 104 où le nombre de composants est supérieur à deux). Ces deux composants restent incorporés dans le gentilé. À l'inverse, si la troncation se retrouve dans des gentilés ayant plus que deux composants, elle devient moins répandue si le toponyme souche a seulement deux composants. Il faut donc se demander si la situation hypothétique où la majorité des toponymes souches n'a que deux composants ne pourrait provoquer de distribution plus nombreuse de la composition. C'est en analysant les résultats du questionnaire que nous tenterons de répondre à cette question.

Les cas de permutation sont peu nombreux, ils constituent 2,64 % de l'ensemble des types de formation. La permutation des éléments se retrouve presque toujours dans la troncation (en composition 2 exemples sur 104). La permutation à l'intérieur de la troncation est un argument pour la simplification d'une part, mais dans un sens général le gentilé où les composants sont inversés est souvent difficile à reconnaître (il ne reflète pas le toponyme souche qui lui a donné naissance, ex : Côte-des Neigien vs. Neige-Côtier). Dans ce cas, la permutation fait également partie des exemples allant à l'encontre de la loi de la simplification. D'ailleurs, ce type de formation n'est pas propre aux règles de formation des mots du français.

Les cas d'allomorphie qui constituent ensemble pour la dérivation et pour la troncation 4,76 % des cas sont aussi des exemples contredisant les règles de simplification, parce que le gentilé diffère du toponyme et de sa base. L'allomorphie est le résultat de lois phonétiques, grammaticales, mais aussi historiques. Les changements dans la base du mot reflètent comme tels l'allomorphie de la langue française (par exemple : Anjou = Angevin, Beaufils = Bonfils). Nous approfondirons cette question à travers l'analyse du questionnaire.

Après avoir examiné les données ci-dessus, nous constatons que la tendance générale dans la formation de gentilés tend tout de même vers la simplification. Les données démontrent clairement que la dérivation simple et la troncation simple sont majoritaires. En général, si le locuteur doit opter pour un type de gentilé ou un autre, il optera pour la forme la plus simple (ce qui n'est toutefois pas toujours le cas dans le questionnaire !)

Nous présentons ci-dessous, quelques exemples de gentilés et leurs variantes proposées dans le répertoire. La variante de première colonne sera plus plausible selon des tendances que nous avons observées.

Troncation versus Composition : Ville :

Michelois

Saint-Michelois*

(Saint-Michel)

Rollandois*

Mont-Rollois

(Mont-Rolland)

Notre-Damien*

Notre Dame du Norrois

(Notre-Dame-du-Nord)

Michellin

Saint-Michellois*

(Saint-Michel-des-Saints)

Etcheminois

Lacetcheminois*

(Lac-Etchemin)

Chenois

Lachenois*

(Lachenaie)

Permutation :

Côte-des-Neigien

Neige-Côtier*

(Côte-des-Neiges)

Rivolupien

Louperivois*

(Rivière-du-Loup)

Saint-Hilairien

Hilairemontais*

(Mont-Saint-Hilaire)

Allomorphie :

Beaufils*

Bonfils

(L'Anse-à-Beaufils)

Salaberien

Campivallensien*

(Sallaberry-de-Valleyfield)

Buckinghamois

Buckinois*

(Buckingham)

Les variantes accompagnées d'un astérisque constituent des formes officielles pour lesquelles des résolutions de conseils municipaux et de la Commission de Toponymie ont été adoptées. Les résultats de notre analyse démontrent que ces choix ne sont pas toujours conformes aux tendances relevées dans la langue. En réalité, il y a plus de chance que les locuteurs choisissent la variante la plus simple soit : la variante réduite sans changement dans la base, sans l'inversion des éléments lexicaux, avec le suffixe plus ordinaire (ce qui est d'ailleurs clairement démontré dans le répertoire où les suffixes -ois et -ien constituent plus que 80 % des types de dérivations).

5. Questionnaire

(voir ANNEXE 2)

Nous avons demandé à 37 personnes dont la langue maternelle est le français de répondre à un questionnaire. Ce questionnaire durait environ 10 minutes. Nous voulions, à l'aide de ce questionnaire, savoir ce que ressentaient instinctivement des personnes face à certaines créations gentiléennes proposées dans notre corpus. Par la suite, nous avons analysé leurs réponses pour les comparer avec les données générales obtenues dans le répertoire. Notre questionnaire est disposé de la manière suivante : le répondant a le choix d'opter entre deux types de formations. La composition ou la troncation pour les trente premiers mots, le suffixe -ois ou un autre pour les huit suivants, la permutation pour les 5 mots suivants et l'allomorphie pour les 5 mots suivants et finalement nous leur proposons 2 différents choix pour différentes têtes c'est-à-dire une tête moins distinctive versus une tête plus distinctive. Graphiques à partir des données du questionnaire (voir ANNEXE 3) : à partir des réponses que nous avons obtenues, nous présentons en pourcentage et sous forme d'histogramme les résultats du questionnaire. Les chiffres sur l'axe horizontal contiennent l'information suivante :

1. Pour le 1er type de formation choisi (par exemple la troncation).

2. Pour le 2ème type de formation choisi (par exemple la composition).

3. Pour les 2 formations choisies (par exemple la troncation et la composition).

4. Pour aucune des 2 réponses choisies (par exemple ni la troncation ni la composition).

5.1. Analyse du questionnaire

Le questionnaire nous a permis de déterminer empiriquement les préférences que pouvaient ressentir les locuteurs francophones face à certaines formations de gentilés. Comme nous l'avons souligné précédemment, la troncation d'un gentilé où le nombre des composants est supérieur à 2 est un phénomène régulier. Les hésitations ressenties par les répondants face à la composition et à la troncation sont observées dans des gentilés possédant 2 composants (la plupart des mots reflètent ce choix). En prenant tous ces exemples du choix des 37 personnes, ce qui donne en tout 1110 exemples (100 %), nous observons que 43,24 % des répondants ont opté pour la troncation, et 35,95 % pour la composition, 3,15 % pour les deux, 17,66 % pour aucune des deux variantes. La troncation devance la composition même dans un type constitué de deux composants. Il faut également signaler que 18 % des sujets ne sont pas décidés, car les gens pensent qu'aucune des variantes n'est bonne.

Les huit exemples de choix entre le suffixe -ois et les autres suffixes nous permettent de comparer les résultats avec ceux du répertoire où l'on a 84 % de suffixe -ois et -ien. Le suffixe -ois est majoritaire dans les résultats du questionnaire, 47,64% pour la variante -ois et 30% pour les autre suffixes. Ceci démontre que la tendance de simplifier les choix des suffixes est assez forte. Le fait qu'il y ait 21% des répondants qui ne soient pas décidés demeure significatif, il se peut que les gens aient d'autres types de suffixations en tête. Quant aux cinq cas d'allomorphie, 54 % étaient contre, 24 % étaient en faveur de ce phénomène. Il est clair que les sujets ne désirent pas changer la base des mots. C'est un bon argument pour la simplification. De nouveau, nous retrouvons 21 % des personnes qui ne sont pas décidés. La permutation (cinq cas) regroupe presque le même choix pour et contre la permutation soit environ 35%. Il faut rappeler que la permutation peut être à la fois un bon argument pour ou contre le phénomène de simplification. Donc ce phénomène ne joue presque aucun rôle dans la formation des gentilés. Finalement, nous avons vérifié si les choix entre la tête qui est plus distinctive joue un rôle dans la troncation, il est clair que la plupart (60 %) préfèrent le choix où la tête est plus distinctive (Cap de la Madeleine - Madelinois vs. Capien ou Île-aux-Coudres - Îlien vs. Coudrien.)

Le 9,46 % des exemples où la tête est moins distinctive est très intéressant parce que les gens tendront à opter pour la troncation (simplification) et cela reflète bien la tendance générale. Il est difficile d'expliquer que 30 % des cas ne soient pas décidés.

6. Conclusion

Nous pensons que notre analyse démontre clairement les tendances morphologiques dans la formation de la base des gentilés. Parmi les six tendances relevées, la dérivation simple et la troncation simple s'avèrent être majoritaires. Ainsi, nous avons démontré que les propositions du répertoire ne répondent pas toujours à la réalité du langage spontané. Les règles qui y sont proposées couvrent l'ensemble des possibilités, mais il n'est pas évident qu'elles seront appliquées par les locuteurs. Ceux-ci choisissent plutôt les formations morphologiques plus simples mêmes si elles ne rendent pas compte de faits ethnologiques ou historiques. C'est pour cette raison que la simplification et l'économie dans la langue sont des facteurs importants lors de la formation d'un mot nouveau. Le répertoire soutient cette dernière conclusion sur un autre niveau en démontrant une tendance de simplification dans la suffixation. De manière générale, cette étude sur les gentilés nous permet aussi d'illustrer la règle sous-jacente de création de mots nouveaux dans le dialecte du français québécois (néologisme de forme). Il est possible que les tendances dans la formation morphologique des gentilés puissent être convergentes aux tendances appartenant aux autres types de langage.

Nous pensons aussi que d'autres choses sont à vérifier à partir de notre recherche :

1) Le choix de suffixation affecte-t-il la formation des gentilés ?

2) Les variantes proposées sont-elles plus simples que certaines formes attestées ?

3) Comparativement à la France, est-ce que la toponymie au Québec obéit de la même façon au phénomène de simplification ?

Notes

Références

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